Quand notre spécialiste "rock de bon goût" maison quitte son Vexin résidentiel pour s'aventurer dans le 7-5, ce n'est jamais pour l'ambiance du Parc des Princes et les grigris de Luyindula. C'est plutôt pour aller zieuter en live les icônes de la musique qui se joue avec des guitares et des cheveux longs. Antony and the Johnsons au Grand Rex, on pourrait croire le tableau parfait pour une soirée qui a de la gueule. Enfin, du chien, vu que nous sommes au Grand Rex... Récit.

" Ambiance bizarre au Grand Rex hier soir...

Déjà, qu'un public parisien se mette à applaudir à tout rompre le truc en première partie, à savoir une conne mal éclairée qui mimait l'oiseau en prenant deux trucs dans ses mains et en les secouant sur de la musique nulle, m'avait semblé un tant soit peu suspect, tant il semblait improbable de supporter au mieux, d'apprécier au pire, cette parodie de n'importe quoi, style "on est de new york, les mecs, vous savez les performances, tout ça"... Je veux bien, mais imiter le macareux breton qui se débat dans le fioul, auparavant, on avait Marcel Marceau pour ça et en plus, c'était gratos et déjà gonflant.

Bref, sitôt la fausse Mylène Farmer RMI partie, Antony entre sur scène, colosse tout en sobriété dans son tailleur sur pantalon et portant son sac à main en bandoulière (???), tel le fils caché des amours tues entre le général de Gaulle et Michou (pas le notre, le vrai, quoi, le naze en bleu), accompagné d'un orchestre minimaliste qui s'installe tranquillement, dans une presque pénombre assez irritante... Il était déjà dit que les amateurs de flamboyance et de coeurs qui décollent à l'unisson vers d'himalayesques vertiges en seraient pour leurs frais, mais bon, après tout, à 79 Euros la place, on avait un peu le droit quand même d'espèrer du live, de la scène, de la VRAIE performance, des jongleurs, des cracheurs de feu, des lanceurs de couteaux et des éléphants sur scène, pourquoi pas...

Or, ce premier morceau - délicatement exécuté, savamment orchestré et pour tout dire très bon (chouette son, d'ailleurs) - est joué avec l'air de s'excuser d'être là, dans une bizarre obscurité mi-voulue, mi-dégueulasse à l'oeil et au lieu de s'envoler, malgré la justesse de l'ensemble et cette incroyable voix - déclenche en votre serviteur plus de doute que de ferveur...

L'ensemble demeure d'une qualité évidente mais il manque, au fil des morceaux du dernier album en date qui s'egrennent gentiment, dans une torpeur rageante une lumière (dans tous les sens du terme) , un souffle épique, une rage - fût-elle feinte, une dynamique qu'on ne retrouve pas chez Antony ce soir... En attendait-on trop?

On croirait presque un discours de Bayrou, on voudrait bien adhérer, mais on se contente d'hocher la tête en attendant la fin en lâchant parfois un "ah ouais, c'est vrai, ouais super ! ", mais au final, on en ressort pas soufflé, pas intrigué, juste un peu frustré d'avoir entendu des évidences dont on ne pourra rien faire de concret... Et on passe à autre chose.

Au moment d'attaquer "You are my sister", Antony se plante... Bon, pas grave. Il chochotte un truc, la salle se marre et hop, il embraye... Toujours pas... Il s'excuse, nous sort que le piano est désaccordé, comme un vulgaire Cissé qui nous balance le coup de la motte de terre quand il rate un but tout fait, puis essaye à nouveau mais non, décidément, pas possible... Idem avec "Hope there's someone", exécuté (c'est le mot juste) à contre-temps et une demi-mesure trop bas. Bref, il lui fallait jouer la montre...

Il entre alors dans une improvisation verbale édifiante à propos Obama ("t'es super Barack"), Jesus ("C'est pas bien Jésus) , sur les femmes ("elles sont gentilles, elles n'aiment pas la guerre, à part tatcher."..purée, c'est le Renaud américain, ou quoi?). Le public acquis se marre encore comme une baleine (enfin bon, ils se marraient quand Antony éternuait, alors bon) mais le mal était fait... Antony avait perdu la partie, on s'attendait à du sublime, on avait droit à une réunion tupperware longue, mais longue... Je regarde ma montre: il est trop tard pour un miracle, vraiment...

Alors il nous dit goodbye en faisant youhououou comme l'autre con de l'autre forum qui disait "morrisssssou", et là, stupeur pour ma pomme, le public panurgien se lève, c'est un triomphe... A la petite semaine, si vous voulez mon avis (et puisque vous me lisez de toute façon) mais un triomphe quand même... Bizarre, vraiment, cette soirée, tiens...

On aura donc droit à un rappel, sans miracle non plus, puis aux gens debout, vous savez, ce qui auraient élu Obama, mais en Amérique... C'est l'impression du soir, puis on se remet debout, sans trop savoir pourquoi... On applaudit, et Antony revient tout seul, avec son sac à main, en dodelinant du boulard pour nous faire coucou et voilà, barka... Bon, il a bien mis la main devant sa bouche, style "oh my god" en nous matant genre "vous êtes restés, my friends...", mais rien n'y faisait, il n'était déjà plus là, après nous avoir fourbi durant une grosse heure vingt ses manières de camelot et ses trucs usés d'illusionniste castelroussin... On voulait Antony, on avait eu droit à Gérard Majax dans un mauvais soir... Et enfin 79 baluches, autant c'est peu pour du génie, autant c'est hors de proportion pour du Sylvain Mirouf....

Me resteront donc de cette soirée petit bras l'impression d'un génie qui s'économise (c'est irritant), des longueurs artificielles même pas sauvées par d'éventuelles chatoyantes apparences (ce concert dans la semi-pénombre, pouah pour les yeux) et un indicible manque, malgré des musiciens talentueux et quand même, quelques beaux instants épars....

Et surtout cette diffuse et désagréable sensation qu'une grosse partie du public, frustrée sans doute d'avoir payé un rein pour être témoin de cette performance en demi-teinte, feignait pathétiquement l'extase telle une mauvaise actrice de films pour adultes..."